31 janvier 2011

< Ton sacre préféré ici >

Attendre l'autobus.
Ne plus sentir ses orteils.
Penser aux gars dans Alive.
Se demander ce que ça goûte, des fesses humaines.
Regarder l'horizon.
Ne pas voir d'autobus.
Ne plus sentir ses pieds ni ses doigts.
Avoir peur pour sa vie.
Regarder l'horizon.
Penser faire du pouce.
Ne plus sentir son pouce ni sa main, ni ses cuisses.
Avoir envie de pleurer.
Regarder les pas-d'horaires sur le criss d'abribus pas efficace.
Avoir encore plus le goût de pleurer.
Envier les gens au chaud dans leur voiture qui s'arrêtent à la lumière.
Tomber dans la lune pendant 15 minutes, trop gelée.
Halluciner.
Se rendre compte que ça fait 20 minutes qu'on attend.
Ne plus sentir ses jambes ni son visage.
Grelotter tellement que le coeur saute un ou deux battements.
Avoir peur de mourir pour vrai.
Détester Neufchâtel. Et l'univers en entier, tant qu'à faire.


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30 janvier 2011

Les mitaines du Simons

Sont partout. L'extérieur en cuir (ou en semblant de, j'suis pas une pro), comme cousu pour avoir un style semi-pocahontas, avec l'intérieur en tout-doux qui sépare les doigts comme un gant. Vraiment chaudes, itou. Cutes, selon moi.

Les mitaines du Simons.

Les miennes sont blanches et reçues en cadeau. Dans la 801, juste pour le temps de me rendre à l'école, j'en vois quatre paires. Autres que les miennes. Deux rouges, une brune, une autre blanche. Le tout dans la section post-accordéon.

C'est comme le chandail en coton extensible avec un gros col pis un zip, ce truc aux motifs losangeux. Le chandail du Simons.

Le mien est gris avec des losanges mauve-jaune. Celui de la fille de mon cours de socio est rouge avec des losanges marine-blanc. Celui de la Champeau est noir avec des losanges mauve-cyan, mais elle est safe parce qu'à Trois-Rivières, y'a pas de Simons, alors elles sont moins à toutes porter le même linge.

Y'a aussi le manteau vert lime. Celui-là, je me trouvais vraiment originale de l'avoir parce qu'il ne vient pas du Simons, patow, dans votre face, autres filles qui magasinez à rabais! Bin non. La 801. L'arrêt juste après le mien. La fille avec le même manteau vert lime que moi. Qui s'assoit dans le banc juste à côté du mien. (...) Deux pommes vertes côte à côte dans la bus verte.

Je regarde mes mains emmitouflées avec le sentiment qu'un code à barres m'apparaîtra bientôt dans le front.


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29 janvier 2011

L'éléphant dans le salon

Vieille bédé qui date de mon ancien blog et qui me parle drôlement : chacun ses patterns, hein?



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28 janvier 2011

Eternal Sunshine of the Spotless Mind

Ça prend deux amis vedges un vendredi soir qui s'installent devant un film qu'ils ont déjà vu juste parce que ça leur tente d'être dans le mood. Comme ça, après, devant le générique, ils peuvent regarder leur propre vie, chacun éfouerré sur son divan et dans un silence quasi spirituel. Le thé vert refroidi dans les tasses.

On peut pas s'arrêter de vivre parce qu'on va inévitablement mourir, c'est pas une raison.

Pis on peut pas plus ''s'empêcher de'' parce que ''ça va inévitablement chier'' non plus, c'est pas une raison.

Si je suis franche avec moi-même et que j'en viens à la conclusion qu'une avenue n'est pas la bonne parce qu'elle mène au chaos, rien ne sert de jeter le blâme sur le chaos : l'avenue n'est simplement pas la bonne. C'est pas la finalité le problème, c'est de ne pas avoir envie de faire le bout de chemin tout court. Rien que ark, non, pas ce chemin-là.

Arrêtons de nous bullshiter cinq secondes.

Pis comme ça, l'ami vedge dans l'autre divan va pouvoir bailler un ''yup... mets-en'' bien senti.


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27 janvier 2011

Mon post le plus sérieux à vie

Aujourd'hui, c'est différent.

D'habitude, Claudine court. À 7 ans, en sortant de l'autobus, elle court pour rentrer à la maison. Encore hier, en se réveillant au milieu de la nuit, elle court pour descendre les escaliers. Vendredi, dans un bar, en pleine cruise, elle court pour traverser la piste de danse.

Claudine court pour aller pisser. Genre tout le temps.

Aujourd'hui, c'est différent. Claudine s'est arrêtée aux toilettes avant de partir de son travail. Elle a pris l'autobus, a sonné à son arrêt et est descendue, tranquille. Elle n'a pas couru jusque chez elle.

Elle n'a pas déposé sa tuque sur la sécheuse parce qu'elle était trop pressée de pisser.

Mais elle écrira peut-être un statut facebook à propos de ses envies de pipi.


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26 janvier 2011

Petits moments de miam

Miam 1

C'est le printemps et il fait gros soleil. Quand je sors dehors, l'air est encore trop frais pour que je puisse y croire vraiment, mais si je reste en dedans, sous les rayons qui entrent par l'immense fenêtre du salon pour aller flatter ma peau, la jaquette bien ouverte en tente par-dessus le calorifère qui se trouve à être justement sous la fenêtre, si je fais ça, j'y crois. Pis je m'installe sur le divan avec ma doudou pour lire un Club des Baby-Sitters. Mom écoute l'album D'Eux en faisant du ménage.

Miam 2

C'est l'été pour vrai. Je me fais garder par matante Taloup, j'ai pas 4 ans, et on va jouer au parc de la Pointe Merry. Il y a encore l'énorme glissade verte en métal pis on met du sable dessus pour que ça glisse plus vite. On mange peut-être même du McDo en nourissant les mouettes pour souper.

Miam 3

C'est l'automne et on se garde une demi-heure en revenant de l'école ma soeur et moi. Sur ces 30 minutes, on en passe à peu près 15 à s'obstiner au téléphone avec mom (C'est elle qui veut jamais m'écouter! - Non, c'est même pas vrai!) et les 15 autres sont dédiées à refaire nos provisions : des oreos sous l'oreiller, 3-4 vitamines flinstones directement dans notre bouche, quelques tranches de fromage orange... Sans oublier d'aller jeter la moitié de sandwich qu'on n'avait pas mangé sur l'heure du dîner dans l'atelier de papa, en la cachant bien sous les autres débris pour ne pas se faire chicaner. Pourquoi on n'a jamais pensé la jeter à l'école, simplement?

Miam 4

C'est l'hiver et il a trop neigé. Mon père est sûrement fru de devoir pelleter, mais ça nous arrange ma soeur et moi parce qu'on peut se pitcher dans sa grosse pelle, sur le tas de neige, pour qu'il nous traîne toute la longueur de la cour et nous droppe en haut de la bute de neige. Parce que c'est drôle. Les petites lumières bleues dans le lilas en face de la maison nous éclairent, on dirait presque un parc d'attraction. Le lendemain, papa a mal dans le dos et nos mitaines sont sèches sur le calorifère.


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Who ya gonna call?

Entendu dans un hall désert d'établissement scolaire : un dude qui siffle la toune de Ghostbusters.

Made my day.


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23 janvier 2011

Walk of Shame

Le mascara qui a semi-coulé ne ment pas : quand je t'ai croisée dans la rue, j'ai tout de suite reconnu l'absence de fierté, les cheveux encore peignés comme la veille mais en plus lousse, les cernes subtils presque cachés par ton foulard remonté haut haut parce qu'on gèle.

Walk of shame.

On attendait le même autobus et je me suis demandée si c'était chez un inconnu que tu avais dormi, ou chez l'ami d'un ami, ou bref. L'histoire. Si t'avais hâte de prendre une douche. Si ça avait valu la peine. Si t'avais pensé glisser ta brosse à dents dans ta sacoche. On est embarquées au même arrêt, mais toi, alors que je débarquais à mon travail, tu attendais encore 4 arrêts, dans ce quartier résidentiel où tu retournerais chez toi.

Dormir, sûrement. Honteuse, sûrement.

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La pire nuit de ma vie, vraiment. Personne n'aime se faire texter à minuit par un ami ''jcapote viens stp jvas faire une connerie'', surtout quand l'ami s'est fait laisser par sa blonde la semaine d'avant, surtout quand l'ami a les idées noires depuis un bout pis que c'est pour ça que sa blonde l'a laissée.

C'était évident que j'me pointerais, même si j'ai un contrôle demain pour lequel j'ai pas encore étudié, même si j'suis moi-même pas mal à bout de ma vie dull qui n'est rien comparée à la tienne. Tu savais que j'me pointerais parce que tu sais qu'y s'est rien passé dans ma vie depuis toi. Je t'ai acheté des chips au dépanneur, mais tu préférais la bouteille de vodka que t'avais de scotchée à la main. T'étais plutôt confus.

J'ai pas dormi de la nuit, j'étais trop occupée à écouter ta respiration dans la pièce d'à côté, j'avais peur que tu te tues pendant que je squatte sur ton divan, j'avais peur que tu fasses une connerie même si j'étais là. J'ai sûrement des cernes jusqu'aux genoux, je pue, je sens que mes dents sont sales, comme une genre de couche de dégueux collée dessus, les dents sales d'une fille qui n'a pas parlé de la nuit parce que hey, qu'est-ce que tu veux dire à quelqu'un qui est autant à terre. Rien. J'ai fermé ma gueule pis j'suis restée à te flatter les cheveux tard tard. Vers 2 heures, tu as réalisé qui tu avais texté : ''Tu m'as-tu oublié pendant que j'sortais avec Annick? Tu m'aimes-tu encore?'' J'ai pas répondu. T'es allé te coucher en me pitchant un oreiller. Pis j'ai sneaké en dehors de ton appart dès que les bus ont recommencé.

La fille de l'arrêt me regarde croche. Je sais à quoi elle pense : j'ai déjà moi-même jugé bien des filles que je croisais le matin.

Walk of shame.

J'ai le goût de lui crier ''Ouais, j'fourre la moitié de la ville pis ça me fait sentir fucking vivante!'' juste pour être désagréable un peu. Mais j'pense juste à toi pis j'ai peur que tu me textes encore ce soir.

Texte-moi pu, stp.


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22 janvier 2011

Faites une croix sur le calendrier

Hier soir, du vin de cuisson a été utilisé strictement comme vin de cuisson à l'appartement.

Oui oui, ça veut dire qu'on a gardé un restant de vin sans le boire pendant assez longtemps pour en venir à vouloir l'utiliser dans une recette*. Et donc oui, ma coloc et moi, on a toutes les deux résisté à l'appel de l'alcool pendant tout ce temps. Même qu'il en reste encore après recette et souper.

Is this what we call ''growing up''?


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*D'ailleurs Mutti, sache que ta recette de sauce à spag est vraiment mise en valeur par les quelques larmes (ok, peut-être un peu plus que des larmes) de vin rouge que j'ai ajoutées. Ça pis le sirop d'érable au lieu de la cassonade. Bref, un délice.

21 janvier 2011

Pour le meilleur et pour le pire

Je sors du cours, souriante, et me plug les oreilles.

Je suis vraiment en amour avec mon prof. J'veux dire, c'est pas le premier là, j'ai développé cette manie il y a très longtemps, sûrement une forme girlie d'élitisme, mais gosh que j'aime mes profs, ceux qui ont de la verve, les brillants, les cités, les éminents. *soupir*

L'école pis moi, on est comme un vieux couple. Je passe mon temps à chialer qu'elle me fait chier et me prend tout mon argent, et c'est vrai, pis je l'ai même trompée à quelques reprises avec des emplois ou des cours hors-cursus (encore avant-hier dans la classe de swing), mais pourtant, j'arrive pas à partir.

C'est juste trop dur de tout quitter après tant d'année de vie commune. C'est trop dur!

Elle est une partie de moi, j'peux pas m'empêcher de me sentir un peu vide sans elle dans ma vie. Et quand arrive le moment où je me dis que ça y est, que j'en ai vraiment assez, qu'elle ne peut plus s'amuser à me détruire, bien elle me sort ses armes de séduction et me surprend avec du nouveau. Comme... un prof inspirant. *soupir*

Allons, ma belle, tu sais bien que j'te quitterai jamais, je t'aime trop pour ça...


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19 janvier 2011

Ça sent la neige

Ça n'arrive pas toujours, dans le genre que c'est pas présent pendant toute la saison hivernale. Non. En fait, ça se produit généralement juste avant que la neige se pointe, ou quand elle commence à peine à tomber : son odeur caractéristique, un feeling que le taux d'humidité est bon, qu'elle s'en vient.

La chatonne miaule pour sortir : j'ouvre la porte et ça sent la neige.

Me vient toujours un sentiment de bien-être, en une bouffée, comme si les choses avaient soudainement du sens (ça fait un parfait sens), comme si Dame Nature s'était occupée de nettoyer les ordures qui remplissent ma tête et là pouf, ça sent la neige et tout peut recommencer, tout est possible. Le Etch a Sketch est redevenu blanc, à peine l'ébauche d'un nouveau dessein.

Je sors prendre une marche sans raison et sans but. (Je reviens systématiquement avec un sac de chips acheté au dépanneur, je sais, mais à la base, c'était pas le but.) Mes joues aiment ça. Mon nez se trémousse et tente d'emmagasiner ce qu'il hume le plus possible. Les escaliers craquent dans le froid et on dirait que ça sent encore plus. La chatonne entre en même temps que moi et je la prends en la sniffant fort fort parce qu'elle s'est approprié l'odeur de la neige, elle aussi.

Autant je peux régulièrement damner la vie d'être née dans mon foutu pays qui n'en est pas un (c'est une saison), autant je bénis ces souvenirs enneigés de l'enfance, ceux qui se sont accumulés mine de rien dans un racoin de matière grise et qui, ô merci mémoire olfactive, m'apportent aujourd'hui tant de paix quand revient la douce odeur de la neige.

Presque comme une messe.

Alléluia.


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18 janvier 2011

Bon coup?

Parce qu'il y a tant de blogs et de sites qui sont dédiés à souligner les mauvaises traductions, je me sens dans l'obligation ici de mentionner le win, selon moi bien sûr, de Majesta.

Treesponsible - Responsarbre

Sérieusement, je trouve ça vraiment bien. Pas tant le concept publicitaire du genre ''ami de la terre'' là, mais la traduction en tant que telle du slogan. J'aime. Et vous?


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17 janvier 2011

Pour une fois, ça parle de toi pour vrai

Pour vrai. Cru de même pis fuck la censure. Le punch est juste trop bon.

Lu sur msn

Vαl dit :
J'suis toujours obsédée par un gars complexe trop génial qui souffre et qui est sexy (pas parce qu'il souffre, il est juste sexy tout court).
Mais qui veut tout sauf mon aide ou mon attention ou n'importe quoi qui se rapporte à moi-qui-donne-dekoi-de-à-lui.
How lame am I.

Steven dit :
Ta vie, c'tu Twilight?


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No Cartridge

Moi aussi, des fois, j'aimerais ça juste arrêter de fonctionner pis displayer un message d'erreur, no cartridge, non, rien, stop, essaie même pas de me faire marcher, tu pourras pas me raisonner parce que l'encre, bin elle est vide, pas assez pleine à mon goût, ouin mais Val, y'a l'air de t'en rester encore un peu pourtant quand on brasse la cartouche, iiish trop pas, m'en fous, no cartridge que j'ai dis, t'es sourd?, no cartridge, black empty, buckée de même, remplis-moi pis on verra si ça me tente après, hop! LC41BK dans mes entrailles, cleaning please wait.

Cleaning please wait.

Please wait.

Please.

Will you?


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16 janvier 2011

La remplaçante

En bon professionnel, il quitte le bureau, et c'est chez lui, quand même, que Julian s'enfile Christine sur la table de la cuisine. Bête de même, première surface plane en entrant.

Quel heureux hasard qu'elle porte le même parfum que Florence. Quelle joie qu'elle sache aussi se taire. Comme ça, par-derrière, dans la semi-pénombre, les cheveux blonds pourraient bien être bruns, la remplaçante pourrait bien être la bonne, et l'esprit de Julian vagabonde pendant qu'il décharge : Florence, Florence, Florence...

Dès que c'est terminé, après les kleenex et le verre d'eau, il ne peut plus la sentir. Elle veut rester un peu, aller dans la chambre, se coller encore, un film peut-être, non, as-tu un ptit creux, non. Non. Va-t'en. Mais qu'est-ce qui te prend? Va-t'en, c'est tout, pars, stp, va-t'en là, maintenant, avant que je sois méchant avec toi, pars. Quoi? Va-t'en.

Elle l'insulte en s'habillant, il ne l'entend même pas, gros con tu te prends pour qui t'es fêlé, le froid hivernal qui s'infiltre un peu, la porte qui claque beaucoup, le silence. Enfin.

Le jet de douche sur la nuque, l'eau bouillante. L'obsession vaporeuse, Florence en brume devant lui.

Et la fumette pour oublier un peu plus.


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14 janvier 2011

Entendu sur St-Jean

Dans un magasin de souliers.

Lapine - Ça fait toujours un peu mal, les premières fois.


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12 janvier 2011

La chienne

C'est à huit ans, à une fête d'amis où tu te tiens dans la piscine près du bord, scotchée au plastique, les lèvres mauves. C'est quand tout le monde saute en même temps en faisant des bombes et que toi tu ne sais pas encore nager, le bouillon que tu avales presque et qui te ressort par le nez.

C'est dans la cour d'école, quand tu te tiens debout au milieu du cercle et que tout le monde rit. C'est lire le numéro 2 du Club des Baby-Sitters dans un coin à la récré. C'est l'odeur du ballon que t'enroules autour du poteau à grands coups de poing avec les rejets de ton année pendant toute la troisième étape parce que la chef de ta gang t'a mise dehors.

C'est la veille de la première journée au secondaire, la tension qui te garde réveillée alors que tu veux dormir. C'est la lumière que tu allumes aux cinq minutes pour regarder ton horaire du lendemain et mémoriser les numéros de classe, ton jeans et ton chandail préférés qui t'attendent sur une chaise, un bouton qui te pousse sur le nez.

C'est au début de l'adolescence, quand tu passes la soirée à embrasser ton premier vrai amour et qu'il est trop excité. C'est quand il te pèse sur la tête pour te forcer à le sucer, quand il vient dans ta bouche sans rien demander, le haut-le-cœur que tu réprimes, les deux aspirines que tu avales dans la salle de bain.


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11 janvier 2011

Une étoile rose

La bus bondée craque de partout en filant dans l'air glacé. Les mardis matins sont encore plus mornes que leurs collègues lundiens, et chacun en porte le poids, comme une mauvaise fée invisible qui tend les nuques et tire les visages. Nous janvierons deux autres semaines.

J'écoute une berceuse triste qui lisse mes humeurs et embue mes pensées. L'étudiante devant moi se drogue au Damien Rice. Le fonctionnaire trentenaire trop collé sur mon bras gauche bougonne sur du System of a Down démodé. Les deux adolescentes qui se tiennent au milieu de l'accordéon partagent du Justin Bieber. Le dude avec une calotte d'une équipe que j'connais pas texte son cousin (''J'ai une question t'as tu encore le logiciel de l'autre fois?''). Le chauffeur conduit raide pis crie d'avancer plus au fond.

La vie est d'un gris-brun impressionnant. Mais plus pour longtemps.

Une étoile rose est entrée.

Papa et elle prennent place de biais avec moi. Elle sur lui, bien sûr. Sous une tuque de polar, ses grands yeux marron scrutent la foule, un regard neuf sur un monde usé. Les petits bras tiennent en croix, maladroitement, immobilisés pas un habit de neige trop épais. Papa prend soin de les ramener vers son ventre lorsque des passagers s'engagent dans le corridor. Dézippe le haut du manteau, enlève son capuchon. Un peu d'air pour la tite puce. Certains la voient et sourient; d'autres n'ont pas cette chance et passent à deux poils d'égratigner sa peau tendre avec une ganse de sac. L'étoile rose ne bronche pas. On voit dans ses yeux qu'elle sourit, même si son cache-cou monte trop haut pour nous le confirmer.

Tranquille dans le bordel du quotidien.

Et moi je la regarde inconsciemment faire son chemin dans mon coeur, dans mon esprit, dans mon corps, la petite étoile rose qui se promène et se loge finalement dans mon ventre, pour me faire du mauvais sang ou tordre mes boyaux, et proteste, chiale, crie, hurle. Gueule fort.

Ouch. Moi aussi je veux mettre au monde une étoile.


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10 janvier 2011

Sophie

Sophie est pu capable de penser à Antoine tout le temps quand Antoine pense pu à Sophie jamais.

Pu capable.

Antoine en s'endormant, Antoine en se réveillant, le sosie d'Antoine dans l'autobus, la toune d'Antoine à la radio, le vrai Antoine dans son cours de philo, l'autre Antoine qu'elle s'est fait présenter par hasard, Antoine devant des fraises qu'il adore en spécial, Antoine dans une quote de film, Antoine quand elle est dans la lune, Antoine quand elle achète un nouveau chandail, Antoine quand elle prend sa pilule le matin, Antoine, Antoine, Antoine.

Fak Sophie a volé le char de son coloc pis 'est partie. Zoum vroum zoum.

Elle a roulé pendant vraiment longtemps, ou alors c'était peut-être juste 40 minutes, qui sait, mais tsé, assez longtemps dans une direction inconnue pour ne plus qu'elle puisse dire à quel endroit elle se trouvait. Avec la pluie qui flac-flaquait sur le pare-brise pis la radio qui griche-grichait une game de hockey.

Et là, elle a cherché une pancarte sur le bord de la route pour pouvoir mettre un nom à sa libération d'Antoine, à son trip de fille tannée qui réussit enfin à être assez loin de celui qu'elle aime pour s'en déconnecter physiquement, s'arracher, à sa victoire sur la vie, oui.

Blanc sur vert, que c'était très écrit. Très très.

St-Antoine-sur-Richelieu. Criss.


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9 janvier 2011

Les zwâââzos

Des fois ça me pogne, je me dis soudainement que je vis sur une planète sur laquelle il se passe plein de trucs pis que ça serait peut-être pas une mauvaise chose de m'informer un brin.

Alors j'ouvre Cyberpresse. Et je lis. Je lis sur les gens qui voient partout des signes de la fin du monde en 2012, genre plein d'animaux qui se sont donné le mot pour mourir en gang. Des raëliens, peut-être. Nah, ça serait pas politically correct comme blague.

Et c'est là qu'un constat s'impose. Grave, puissant, criant de vraie vérité : tu sais que t'as un sale cerveau de littéraire tordue quand la première chose à laquelle tu penses, c'est ''haha, les oiseaux se massent pour mourir''.


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6 janvier 2011

Le quartier des chats

Une intersection. Coin 4e et 4e.

Vert.

Les voitures passent. Attendent aux quatre coins deux étudiantes, un vieil homme et un chat.

Jaune. Rouge.

Bonhomme blanc. Les étudiantes et le vieil homme traversent, évidemment.

Le chat regarde à gauche, puis à droite, et traverse sur les lignes jaunes. Ou peut-être étaient-elles blanches. N'empêche, true story.

Sa mère l'a mal élevé : tout le monde sait qu'y faut regarder à gauche une dernière fois avant de se lancer.

(Je sais, j'ai pas foul de talent pour le photoshopage d'images, mais je trouve qu'il est pas si pire que ça, mon feu de circulation!)


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C'est jeudi soir, on boit du vin.


L'art de s'échapper... J'aime que trop.

En primeur, plein d'infos personnelles sur moi et sur ce que je vois dans mon écran. Bin oui.

Pour les curieux, l'action se passe ici.

Pis j'imagine qu'y faut cliquer pour agrandir l'image, dah.


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4 janvier 2011

Objets perdus (prologue)

Une dame devant moi, pas contente, fait radoter Employée RTC #2.

Employée RTC #2 - Oui, pas de problème, il faut seulement que monsieur se déplace pour venir faire prendre sa photo parce qu'on garde pas les photos dans le système.

Dame âgée - Ouin mais là y peut pas se déplacer tsé, y'est pas mal âgé là vous savez.

Employée RTC #2 - Oui Madame, j'comprends, mais on a besoin d'une photo pour sa carte sinon y pourra pas profiter du tarif réduit.

Dame âgée - Ouin mais y'avait pris sa photo cet été, vous l'avez pu sa photo?

Employée RTC #2 - Non Madame, on garde aucune photo dans le système, ça se fait supprimer dans les jours qui suivent. Va falloir qu'il revienne faire prendre sa photo. Je sais pas où vous demeurez, mais je peux vous donner la liste des...

Dame âgée - Non mais vous comprenez pas, y'a de la misère à se déplacer!

Je, dans mon for intérieur - Voyons cibole, si y'est capable d'avoir besoin d'une passe de bus pour prendre la bus, y'est sûrement capable de la prendre pour venir se faire poser...

Employée RTC #2 - Bin Madame, si y peut prendre l'autobus, j'imagine qu'y peut se déplacer pour la photo aussi...

Oh! Oh! Elle l'a dit, elle l'a dit! ELLE L'A DIT!!

Employée RTC #2: 1, Dame âgée: 0!


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3 janvier 2011

Objets perdus

Dring dring. Dring dring drelingling.

Employée RTC - Réseaudetransportdelacapitalebonjour?

Je - Bonjour! J'ai perdu ma passe de bus et je suis avec l'abonne-bus, comment je dois procéder?

Employée RTC - Euh... Ah, bin c'est la passe fournie par votre employeur? Pas celle d'une école là hein...

Je - Bin, non, celle de l'université.

Employée RTC - Oh...

Je - (retenant un bâtard...)

Employée RTC - Bin au fond, c'est une nouvelle carte?

Je - Nenon, j'avais ma carte à l'automne, les paiements sont settés jusqu'en avril, mais là j'ai perdu la carte alors ça m'en prendrait une nouvelle.

Employée RTC - Ah! Ok! Bin faudrait passer au centre de service en haute ville, mais ça ouvre juste à midi vu que c'est férié.

Je - Cool. Est-ce que je dois apporter quelque chose?

Employée RTC - Si vous avez votre lettre du registraire, ça serait bien. Et votre confirmation de paiement pour janvier.

Je - Parfait, autre chose?

Employée RTC - Non!

Je marche marche marche marche. Je reprends à peu près exactement la même conversation directement au comptoir de service.

Employée RTC #2 - C'est argent comptant seulement.

Je - Gnak.

Employée RTC #2 - C'est toujours le cas, Madame.

Rien d'autre à apporter mon cul. J'exécute un sourire poli, quand même. Je marche marche marche marche. Je retire. Je reviens.

Employée RTC #2 qui vient JUSTE de me servir - Je peux vous aider?

Yo, dis-moi pas que t'as eu 150 clients aujourd'hui, tu dois bin te rappeler que j'étais là il y a 15 fucking secondes!!

Je - Oui, euh, je voudrais le formulaire, euh, A-38.

Employée RTC #2 - JE VOUS AI DÉJÀ DIT QUE LE PORT EST AU BORD DE LA MER!


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2 janvier 2011

La plupart du temps

Julian n'a que cinq rendez-vous aujourd'hui, ce qui correspond plus ou moins au nombre de minutes qu'il a pu dormir pendant la nuit, s'il les assemble bout à bout. Il pense trop. Il fume trop aussi, mais c'est pour arrêter de penser, alors ça ne compte pas. Maureen et leur échec amoureux, dix années envolées, sa high school sweetheart perdue; il lui a laissé la voiture et la maison. Ça ne se compte pas.

Une belle enseigne de bois : Julian McCaddie, physiothérapeute. Il sait qu'il est un anglo riche à craquer de plus dans Régisland, l'ennemi quoi, un catalyseur de haine probablement, et il s'en moque éperdument. Il se moque de tout depuis mai. Presque.

Peu de temps (évidemment) après la rupture , il a rencontré une fille, une belle fille, brillante, sensible, drôle, charnelle, cynique, sublime. Une pure laine qui finit sa maîtrise en littérature française. Elle l'a envoûté. Il s'y est attaché. Mais elle a d'autres chats à fouetter, trop de blessures à soigner et un fantôme plein le coeur. Pire : elle a vu clair en lui. Elle ne lui répond plus depuis deux semaines même s'il la texte cinquante fois par jour. Yet, Florence coule dans ses veines quand même, et il doit être fou parce qu'il se délecte de ce supplice.

La plupart du temps.

Christine arrive vers deux heures. Il y a un mois, c'était une nouvelle cliente, des cheveux platines mais c'est une teinture, avec des lunettes de hipster sans force dedans, de belles lèvres humides qui appellent à elles tous les hommes de la planète. Un tatou de signes chinois dont tout le monde se fout près de la cheville. Ça veut sûrement dire liberté, ou peut-être amour, voyage, abandon, qui sait.

Parfaite et oubliable. Parfaite.

Son petit problème de genou ne demandait pas une grosse réadaptation, mais Julian l'a massée jusqu'au creux des cuisses dès la première rencontre et lui a donné deux rendez-vous par semaine pendant un mois. La voici donc pour clore sa journée de travail, un ''oui'' sur la liste des présences pour ce septième rendez-vous parfaitement inutile, sa silhouette menue qui se découpe sur la table de massage. Les assurances qui couvrent tout. Amen.

Le genou. Julian s'exécute, doucement. Comme d'habitude, il s'éloigne du problème, il laisse son propre souffle s'emballer parce qu'il sait qu'elle le remarquera, il sent s'enclencher en lui le mode sexe, l'envie chaude qui fait débattre son coeur, l'érection qui ne tarde pas. Il laisse sa tête lourde de fatigue et de lassitude traîner de plus en plus près de son corps à elle, si vivant.

Et lève les yeux.

Il voit la façon qu'elle a de replacer sa frange derrière son oreille. Il sait. Julian sait. Et Christine presse son gloss doucement en une moue d'enfant puis jette un regard furtif vers la porte du bureau.

''Est-ce que je suis ta dernière cliente?''

Oh la coquine.


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Les endroits cons

Ça commence par de l'anodin. Genre la bus qui arrive, fouiller dans ses poches, ne pas trouver sa passe, sacrer, payer cash son passage.

Et là.

Chercher dans les autres poches, celles de toutes les couches de vêtements, chercher dans la sacoche, une fois, deux fois, trois fois, rien trouver, refaire le tour des poches. Prier pour que la passe soit sur la table de la cuisine ou sur le plancher près de la porte. Savoir d'avance que non. Arriver à l'appartement. Voir ses craintes confirmées.

Et là.

Soudainement, devant l'inavouable, c'est comme si mon cerveau se mettait en mode méga imbécile. Et commence la tournée des endroits cons. Je suis certaine que ça vous est déjà arrivé, avec vos clés, peut-être, ou votre passe du festival d'été, ou ce papier où vous aviez noté un numéro de téléphone important, ou bref vous me suivez, on en vient systématiquement à faire la tournée des endroits cons.

Pourquoi? Je veux dire, c'est bien beau de regarder dans les poches de mon manteau de printemps porté pour la dernière fois en octobre, ou dans mon sac de maquillage, et dans la salle de bain, et dans les craques du divan, pis dans ma bibliothèque, mais je sais bien, si j'y pense froidement deux secondes, que je ne trouverai rien. Qu'elle est perdue, simplement, ma carte opus. Mais je poursuis mes recherches, je fais tous les endroits imaginables.

Du beau déni.

Tout ça pour le deuil d'un objet con. Imaginez les deuils sérieux...


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1 janvier 2011

01-01-11

Minuit.

L'heure précise à laquelle t'aurais voulu avoir un cellulaire, pour une fois, pour pouvoir tous les texter.

Tous.

Te faufiler mine de rien dans leur poche, vrrr vrrr, bonne année, je pense à toi même si j'suis loin; je pense à toi même si t'es pas venu espèce de chockeux; je pense à toi même si tu dors sûrement déjà vu que tu travailles demain; je pense à toi et je m'ennuie de nos aznavourages; je pense à toi pis j'espère que ça se passe toujours bien avec ta date; je pense à toi très fort et j'espère que t'es bien; je pense à toi, pis on le prend quand, ce café?; je pense à toi sale succube en entendant please don't stop the music; je pense à toi beaucoup trop même si toi tu veux pas de moi, grosse tête de gland;

je pense à toi et je te texte juste pour exister, soudainement, et que tu penses aussi à moi.


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