27 novembre 2017

La bosse

Au petit trop s'en va le cheval avec ses grelots
Y pogne une bosse y s'pète les deux gosses su'l bord du traîneau

J'écris au lieu de faire ce que je ''devrais'' faire, les millions d'impératifs de la vie de parents, la gestion et l'exécution d'une description de tâches lourde à envoyer trois ou quatre employés en burn-out.

J'ai pogné une bosse. - Pis j'parle pas de mon œil au beurre noir, gracieuseté de ma fille qui m'a assommée avec sa belle grosse tête et qui, elle, s'en sort indemne. - C'était quoi la bosse? On s'en fout, ça aurait pu être une garnotte minuscule juste un peu mal placée sur la route; ça n'a aucune importance. Y'a quelque chose qui a appuyé sur play dans ma tête, pis la cassette est repartie. J'suis pas assez ci. J'suis trop ça. J'fais pas bien telle chose. Les gens pensent sûrement X jugement. Je ne mérite pas ce que j'ai, je n'apprécie pas ce que j'ai. Je me plains le ventre plein. Tout le monde va se tanner pis m'envoyer chier. je suis fatiguée. Je m'emmerde. J'veux rien faire. J'veux de l'attention. J'suis conne de vouloir de l'attention. J'veux pu voir personne. Je veux dormir.

On s'entend qu'à entendre ad nauseam ces refrains là, je préférerais vraiment que ce soit n'importe quoi d'autre dans ma tête, même la cassette du Noël de Cannelle et Pruneau où ça parle du Messie à chaque minute.

Ça me fait chier, la criss de dépression.

Pis qu'on se le dise, c'est pas vrai que quand les Rois mages sont arrivés devant l'Enfant divin vieux de quelques heures, quoi genre trois jours, il leur a souri. Heille chose, c'est un bébé naissant, ça sourit pas, ça tète, ça dort pis ça braille, pis sûrement que ça gèle sur la paille entre le boeuf et l'âne gris.

8 novembre 2017

T'es fatigué

Tu pleures, tu cries. Tes petites menottes s'agitent dans tous les sens, tu te tords, t'es tout croche.

T'es pas bien.

Ta suce est là, mais tu la repousses, tu la reprends, tu cries, tu la repousses. Tu agrippes ta doudou, les jointures blanches d'avoir les doigts si serrés, et ton front se plisse, et tes joues s'embourgognent.

T'es pas bien.

Moi j'me démène comme le diable dans l'eau bénite à essayer de te bercer, de te donner du lait, de chantonner, de chhhhhchhhher, de te calmer, de t'apaiser. J'ai pas envie d'admettre si tôt dans ta vie que y'a des situations où rien ni personne ne pourra t'aider, des moments où tu devras juste endurer, t'endurer, te faire de la couenne, attendre que ça passe, espérer le sommeil.

Ultimement, on est tous seuls devant le monde. J'ai pas envie de l'accepter. Pas pour toi.

T'es tellement petit.
T'es tellement fragile.
J'ai peur de te briser.


4 novembre 2017

T'es fatiguée

C'est quoi, au fond, une bonne mère? Une bonne blonde, amie. Une bonne personne. Un bon bébé.

''Un homme bon.''

La bonté, tsé l'art de vouloir que les gens soient bien, en toute générosité, avec désintéressement, tu l'as pas. L'ego est trop gros; le besoin d'attention et d'amour, trop grand. Tu veux que les gens soient bien GRÂCE À TOI, qu'ils t'en soient reconnaissants, que tu aies servi à quelque chose. Tu veux qu'ils t'aiment parce que tu corresponds à leur idée d'une personne aimable, cool, surprenante. Tu travailles fort pour. Tu travailles trop fort.

La 150e représentation, le même spectacle.

Tu te juges de ne pas être cette mère douce, patiente, aimante, une mère entière, disponible, qui rigole avec ses enfants, qui s'intéresse à leur univers. Tes élans maternels se font trop souvent emporter par la fatigue mentale, la lassitude, et tu es totalement vaincue par l'impatience qui te caractérise.

Tu es mal domptée.

Tu as envie de hurler dans la forêt jusqu'à péter tes cordes vocales, envie de te cacher, comme un chat épais, juste la tête sous la couverture, le corps à découvert, ne plus voir pis penser qu'on ne te voit plus.

Ou disparaître pendant des heures. Regarder les autres te chercher en appelant ton nom.

Te laver sous un rayon de soleil.

Dormir.

1 novembre 2017

La vache folle

J'écris pu sur mon blogue parce que j'ai l'impression que tout a été dit, que c'est dépassé comme plateforme, que ça ne m'apporte plus rien et que ça n'apporte rien à personne non plus. Tout le monde prend tellement trop la parole tout le temps qu'il me semble que chaque mot perde de sa valeur.

Trop de convictions partout. Tellement d'idées. Pas assez de doute. Pas assez de silence. Pas assez de silence.

Arrêtez de lire, une minute.

Ça se peut que ce billet soit le seul de 2017. Je ne prends plus le temps.

Vous aussi, vous avez une vie, cette espèce de grande roue qui donne le tournis, une suite un peu folle d'obligations et d'activités, le travail et tout, les enfants, peut-être. Le quotidien des gens, en général, ça bouge vite, ça brasse fort. Ça essouffle.

Parfois, pas souvent mais parfois, ça ralentit. Les bruits s'atténuent. Ne résistent que les acouphènes.

Pis quand la machine descend en première, c'est ma tête qui appuie sur l'accélérateur. Il y avait quelque chose de doux à rouler sur le pilote automatique; ça ne laissait pas d'espace pour le doute, ça se rendait à destination, c'était égal tout le long. Avec ma tête au volant, ça marche pu, c'est cahoteux. Un chemin de garnotte au milieu de l'autoroute.

J'peux pas croire que je suis en train de faire des métaphores de char.

Avez-vous peur des fois de devenir fous? Qu'un jour, la part sombre de votre âme s'empare du reste et détruise tout? Quoi, vous avez pas ça, vous, un dark side?

Come on.

L'espace qui m'est soudain offert - j'suis en congé de maternité, pour ceux qui suivaient pas - se pointe avec des questionnements sur ''le reste du temps''. Je m'investis tellement dans mon travail le reste du temps qu'après, il y a la famille, le couple, un peu les amis, puis rien. Rien parce que pu d'énergie, pu de temps. Pis encore, c'est pas pire pantoute si ça se rend à l'étape ''couple''. Mais est-ce que je fais exprès de combler tout ça avec une seule activité? De quoi est-ce que j'ai tant peur pour ne pas tasser mon travail et faire de la place à mes rêves, à d'autres projets, à du ''Valérie''? À du vol libre?

Sois bien dans ta peau, Adèle, essaie toutes sortes de trucs, ma fille, FAIS PAS COMME MAMAN, HEIN, déguédine-toi un peu, échoue, grafigne tes genoux pis tes idées pis ton coeur.

J'ai longtemps pensé, plus jeune, que quand j'aurais un chum, j'irais bien. Que quand j'aurais une job dans mon domaine. Que quand j'aurais des enfants. Que quand j'aurais moins de dettes. Que quand je serais plus mature, moins impulsive, plus mince. Que si j'étais plus grande. Que si j'étais plus confiante. Que si j'étais meilleure en langues, à la guitare, en sports, en bouffe. Que si j'avais foul de totons pis pas de boutons.

J'vais pas pire pantoute là, mais ce mode de pensée là ne me lâche pas et ne m'aide pas. Les que-quands pis les que-sis n'ont aucun rapport et me rendent marabout, marabout, marabout-bout-bout.

Même géographiquement parlant, au-delà de l'attachement, je me sens enchaînée aux lieux. C'est sûr que sortir avec un bébé de trois mois, pour une fille qui n'a pas un talent fou en organisation, c'est pas nécessairement aidant en termes de mobilité, mais je sais bien que j'utilise mon fils comme une excuse. En vrai, j'suis juste fucking moumoune. J'ai peur de l'inconnu, des inconnus. J'suis timide. J'suis maladroite.

Elle a l'air down, se disent les gens en me lisant. Mais les gens interprètent mal.

J'suis pas down. J'écris avec une face neutre et en souriant dans ma tête. Ma vie me plaît, vraiment. C'est simplement qu'il y a tout un univers, un ailleurs, aussi. Je suis juste tannée de vivre en m'inventant mes propres limites. Je suis pleine d'une énergie qui est générée par la frustration de constater que je me construis mon propre enclos.

La vache folle rêve de se laisser pousser des cornes pour tout arracher.