23 janvier 2011

Walk of Shame

Le mascara qui a semi-coulé ne ment pas : quand je t'ai croisée dans la rue, j'ai tout de suite reconnu l'absence de fierté, les cheveux encore peignés comme la veille mais en plus lousse, les cernes subtils presque cachés par ton foulard remonté haut haut parce qu'on gèle.

Walk of shame.

On attendait le même autobus et je me suis demandée si c'était chez un inconnu que tu avais dormi, ou chez l'ami d'un ami, ou bref. L'histoire. Si t'avais hâte de prendre une douche. Si ça avait valu la peine. Si t'avais pensé glisser ta brosse à dents dans ta sacoche. On est embarquées au même arrêt, mais toi, alors que je débarquais à mon travail, tu attendais encore 4 arrêts, dans ce quartier résidentiel où tu retournerais chez toi.

Dormir, sûrement. Honteuse, sûrement.

***

La pire nuit de ma vie, vraiment. Personne n'aime se faire texter à minuit par un ami ''jcapote viens stp jvas faire une connerie'', surtout quand l'ami s'est fait laisser par sa blonde la semaine d'avant, surtout quand l'ami a les idées noires depuis un bout pis que c'est pour ça que sa blonde l'a laissée.

C'était évident que j'me pointerais, même si j'ai un contrôle demain pour lequel j'ai pas encore étudié, même si j'suis moi-même pas mal à bout de ma vie dull qui n'est rien comparée à la tienne. Tu savais que j'me pointerais parce que tu sais qu'y s'est rien passé dans ma vie depuis toi. Je t'ai acheté des chips au dépanneur, mais tu préférais la bouteille de vodka que t'avais de scotchée à la main. T'étais plutôt confus.

J'ai pas dormi de la nuit, j'étais trop occupée à écouter ta respiration dans la pièce d'à côté, j'avais peur que tu te tues pendant que je squatte sur ton divan, j'avais peur que tu fasses une connerie même si j'étais là. J'ai sûrement des cernes jusqu'aux genoux, je pue, je sens que mes dents sont sales, comme une genre de couche de dégueux collée dessus, les dents sales d'une fille qui n'a pas parlé de la nuit parce que hey, qu'est-ce que tu veux dire à quelqu'un qui est autant à terre. Rien. J'ai fermé ma gueule pis j'suis restée à te flatter les cheveux tard tard. Vers 2 heures, tu as réalisé qui tu avais texté : ''Tu m'as-tu oublié pendant que j'sortais avec Annick? Tu m'aimes-tu encore?'' J'ai pas répondu. T'es allé te coucher en me pitchant un oreiller. Pis j'ai sneaké en dehors de ton appart dès que les bus ont recommencé.

La fille de l'arrêt me regarde croche. Je sais à quoi elle pense : j'ai déjà moi-même jugé bien des filles que je croisais le matin.

Walk of shame.

J'ai le goût de lui crier ''Ouais, j'fourre la moitié de la ville pis ça me fait sentir fucking vivante!'' juste pour être désagréable un peu. Mais j'pense juste à toi pis j'ai peur que tu me textes encore ce soir.

Texte-moi pu, stp.


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