9 août 2011

Passer à autre chose est anodin

pour A.-A., M. et tous les autres


C'est le coup de tonnerre qui la réveille. Elle se lève d'un bond pour courir fermer toutes les fenêtres de l'appart en prenant soin de ne pas se planter solide en glissant sur l'eau qui s'est déjà infiltrée, elle a les yeux encore à moitié fermés. Frotte frotte les yeux. La coloc a encore découché, on dirait.

De retour dans son lit, machinalement, elle s'étire pour prendre son portable et l'ouvrir. Et c'est là qu'elle le réalise : elle n'a pas pensé à lui depuis au moins deux semaines. Du tout. Six mois à se décider, deux heures à rédiger le courriel qui met fin à tout, cinq jours à pleurer, dix à regretter, et, soudainement, ce deux semaines de vide qui s'invite.

Gratte gratte le cou.

Elle se croit à peine, et pourtant. Pourtant elle ne sent plus son odeur, n'entend plus sa voix. Elle ne s'ennuie plus. Plate de même, sans rien de spécial pour le souligner. Elle pourrait réécouter leur chanson, relire ses courriels, repenser aux bons moments; elle l'a fait mille fois, vivre comme si elle était une chanson de Sylvain Cossette, je ne t'ai jamais dit adieu, reviens quand tu veux, je pense encore à toi, mais pas ce matin, ça lui tente comme pu. Elle n'en voit plus l'intérêt. Il est tellement sans intérêt.

Et puis parce que des fois là, fuck off.

Alors ce matin, elle va se lever et faire son yoga. Seule. Bien. Elle va se dire qu'elle est drôle d'avoir couru aussi longtemps après des intellos alors qu'elle se suffit dans l'intelloïsme; qu'elle pourrait continuer de s'entourer de gens de théâtre au lieu d'en faire mais qu'au fond, elle a envie d'être ces gens de qui elle s'entoure. Autonome. Au lieu de toujours se définir au travers d'un lui aussi immatériel que ses peurs à elle. Elle va faire ça. Du théâtre.

Elle va deleter les vieux courriels d'un doigt. Le petit. En baillant.

Elle va rire de l'ancienne elle et dire à ses copains qu'ils doivent la rejoindre au Siboire à 19 heures parce qu'ils ont quelque chose à fêter : rien.

Flatte flatte l'ego.


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