6 septembre 2010

John Cusack

Puisque ça prend un gars pour l'histoire, aussi bien que ce soit John Cusack qui se tient debout avec une boombox au bout des bras pis une toune quétaine des années 1980 qui en crie. Il est brun, il est grand, il est déterminé, il est rassurant, et pourtant il a la moue d'un gamin, ses petites lèvres pas tant charnues mais trop invitantes, on en a l'eau à la bouche rien que de les regarder parler, on aimerait que son long monologue décousu et incongru nous soit adressé, sa nervosité, sa maladresse, sa franchise, on voudrait que ce soit pour nous tout ça parce que c'est beaucoup trop attendrissant.

Je vais changer de sujet maintenant parce que je suis en tachycardie.

Tout part d'une onde, l'harmonie d'une variation constante et solide qui module la vie, c'est comme les marées qui obéissent à la lune, sauf que tout se fait dans le coeur, dans le corps, et qu'on a le contrôle sur notre propre lune. L'automaréation de sa vie.

J'ai rencontré mon John Cusack à moi quand j'avais 16 ans. J'aimerais pouvoir dire que ça a été le coup de foudre et qu'on ne se lâchait plus d'une semelle, mais la vérité c'est qu'il était simplement l'ami d'un ami, et que son plus grand attrait à mes yeux était le mystère qu'il créait autour de lui en étant silencieux. Pendant deux ans, nous nous sommes côtoyés avec une drôle de tension, mais jamais rien de vécu, sauf peut-être ce soir du réveillon 2001 où nous avions presque fait l'amour, mais non. Y'a de ces longues promenades qui sont effacées par la neige.

On s'est perdus de vue. C'était la fin du secondaire, et donc de bien des choses. Je me suis souvent demandée où il était, s'il était seul, ce qu'il faisait. J'avais de ses nouvelles un peu par le biais de l'ami commun : il fut même un temps où mon John Cusack était tout ce que j'avais en commun avec cet ami commun. Je voyais son visage quand j'entendais du Radiohead. On s'informait l'un l'autre si l'autre était célibataire quand on l'était, on savait qu'on le faisait. On a pensé à ça pendant 7 ans (bon, pas 24 heures sur 24, quand même) puis on s'est retrouvés sur Facebook.

Bien sûr, c'est un peu lame. Mais c'est ça, vivre sa vingtaine au son des années 2000.

Ça fait 407 mots que je parle de lui sans le nommer. Je ne le nommerai pas. C'est comme si j'avais peur que ça porte malheur, c'est comme pour Voldemort. Il est facebookement réapparu dans ma vie, sorti de nulle part, en couple, gnan. L'interdit aidant, nous n'avons pu que nous rappeler à quel point nous revenions parfois dans les pensées de l'autre.

Évidemment, il avait changé de ville, et quand il est revenu, j'avais changé de ville. On s'en fout. C'est comme si je savais qu'on allait se retrouver à un moment donné, va savoir à quel aéroport, mais ça va vraiment avoir l'air d'un film de filles, de l'inattendu tendu, sensuel, assumé, assouvi. On va avoir 35 ans, ou peut-être 40. On va enfin être tous les deux seuls en même temps, pour la première fois. Tsé, quelque chose de glorieux.

Sauf que. Hier.

''Hey, salut Val! J'voulais juste te dire que j'suis single comme du fromage Kraft pis que j'reviens au Québec d'ici la fin de mois! xxx''

C'était pas supposé arriver hier.


_____
** Papa, maman, matante, soeurrette, amis, amies, collègues : je vous rappelle tendrement que je ne fais pas que publier ma vie, ici : j'écris aussi de la fiction, des fois. Comme dans ''pas ma vraie vie, histoire inventée''.**

1 commentaire:

  1. Ça m'énerve de te lire parce que ça fini toujours trop vite! Mais je suis accro à ton blog maintenant. Tu vas l'écrire quand ton roman dont je vais pouvoir dévorer les 700 pages avec avidité et grande fierté? Maudit que t'as du talent Val!
    Mutti XX

    RépondreSupprimer