Un
homme m'a dit, il y a longtemps, qu'avril était le pire mois de l'année; qu’il
était inutile. Moi, je ne comprenais pas trop son raisonnement, je n'étais pas
vraiment en accord. Mais je l'écoutais, fascinée par ses idées, et buvais ses
paroles comme une pauvre adolescente de 16 ans trop émerveillée par le vocabulaire
de plus de 3 syllabes qu'il utilisait dans une si parfaite syntaxe. C'est comme
s'il était tombé dans la potion magique du dictionnaire des cooccurrences quand
il était petit. Faut voir ça comme on veut, mais moi, c'était assez pour me
faire ovuler. Presque autant que les chansons de Louis-Jean Cormier. Parce qu'il
était d'une étrange beauté, qu'il avait des yeux verts perçants et qu'il faisait
bien l'amour. Le presque vrai. Celui qu'on fait avec ses mains, avec sa bouche,
avec sa langue, avec tout son corps. Tsé, pas juste y'inque avec sa queue… mais
pas toujours avec ses yeux.
Reste
que j'étais quand même pas d'accord avec lui! Avril, c'est le début du
printemps. Le printemps, c'est la saison des amours. C'est quand tout se
réveille autour de nous. Par déduction mathématique primaire et mal organisée,
avril, C'EST l'amour!
Avril,
ça sent le soleil qui chauffe, la neige qui fond. Ça sent le spectacle de danse
qui arrivait à grands pas. Ça sent la tonne de spray net sur les dizaines de
bigoudis qui trônait sur ma tête pendant 12 heures, pour que je sois la plus
belle. C'est le sentiment d'accomplissement, debout, au devant de la scène.
Pendant que tout le monde me suivait, parce que c'était moi la meilleure.
Avril,
c'est des poissons en papier collés dans le dos, des rires d’enfants et du
plaisir avec pas grand chose. Nous, on était wise, on cachait des cannes de thon dans les chaussures de mon
père. Pis c’était hilarant!
Avril,
c'est le traditionnel brunch de Pâques avec toute la famille. C'est la chasse
au trésor qui menait à notre lapin en chocolat qu'on avait le droit de bouffer au
déjeuner. C’est les courses dans la maison, en pieds de bas, pour rattraper mon
frère qui m’avait volé un œil en bonbon. C'est les matins d'excursion, avec la
gang de l'université, à aller cueillir l'eau de Pâques dans le petit ruisseau à
côté du chalet.
Avril,
c’est une journée un peu dernière minute à la cabane à sucre, avec les amis et
leurs kids. Parce qu’on est rendus
là.
Avril,
c'est profiter des premiers rayons du soleil sur une terrasse dans le
Vieux-Terrebonne, avec nos manteaux de printemps, nos lunettes de soleil, une bière
et un nachos. C'est regarder les gens passer, sourire et être heureux!
Avril,
c'est l'anniversaire de ma cousine, de mon cousin, de ma tante, de 35 de mes
amis Facebook et de cinq de mes vrais amis.
Avril…
Avril.
Avril,
c'est aussi ton anniversaire.
C'est
le coupe-vent Point Zéro bleu marine et jaune moutarde laitte trop grand que je
portais à 10 ans. C'est les bottes de pluie qui restaient coincées dans la
boue, à côté d'un crottin de bébé chèvre et d'un petit vomi, vestige de la
cinquième tire d'érable qu'on avait d'englouti. C'est la fois où j'suis tombée
dans le ravin d'eau de Pâques et que j’ai chopé une bronchite pendant un mois. C'est
grand-maman qui a encore oublié mon nom pendant le brunch. C'est matante Lucie
qui a encore cassé une coupe de vin, parce qu'elle avait trop bu. C'est mononc’
Louis qui en a profité pour faire des jokes déplacées. C'est les nouvelles
familles pleines de bonheur qui utilisent 87% du trottoir sur la rue Cartier
avec leur poussettes doubles et qui m’empêchent d’avancer à mon rythme!
Avril,
c’est le dernier mois socialement acceptable pour se laisser pousser le poil
sur les jambes sans avoir à se raser tous les jours. Parce qu’après il faudra
« être une fille », au « complet », en permanence (d’un
coup qu’on croise le prince charmant dans la rue). Jusqu’à l’automne, où l’on
pourra redevenir la version pin up de Chewbacca.
Avril,
analogiquement parlant, c'est baiser avec le poissonnier du quartier. C'est se
gaver de petits chocolats en remerciant Jésus d'avoir souffert comme le
st-ciboire pour nous.
Avril,
c'est sortir et se maquiller pour avoir l'impression d'être plus belle (peinture
de guerre, princesse armée). Partir à la chasse, ou plutôt, à la pêche. Pour
espérer pogner un poisson (sans trop penser qu'on pourrait être le poisson d'un
autre). Sortir ses atouts avant de lancer sa ligne à l'eau. S’enrouler dans
celle de quelqu'un d'autre, pour essayer encore un peu plus fort d'oublier. Finir
sa soirée avec un inconnu, tout juste après avoir frenché dans les toilettes (parce
que sur la terrasse, tout le monde fume, pis criss, y fait encore frette).
Baiser
un peu trop vite, un peu trop mal, un peu trop pas-assez-comme-j'aurais-voulu.
Pis s’endormir en pleurant, en silence. Dans les bras d'un autre. En pensant à
toi, qui souffle ta 30e bougie. Dans les bras d'une autre. Pis me
dire « Fuck, c'est con! », pendant que mes draps aimeraient se
souvenir de toi.
Ouin…
Faque…
Finalement,
c'est vrai qu'avril, ça sent un peu la marde.
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